Sécurité routière, les véhicules, cas particuliers

2-3) Cas particuliers

2-3-1) les deux roues

L'accidentologie des deux roues reste préoccupante. En effet, loin de baisser comme les autres catégories d'usagers (pas toutes, comme nous le verrons), cette dernière a tendance à augmenter. Pourquoi ? La réponse est simple : dans l'esprit commun, le motard roule vite. S'il roule vite, c'est normal qu'il ait plus d'accidents que les autres puisque la vitesse est dangereuse. Et inversement : la preuve que la vitesse est dangereuse, c'est que les motards qui vont vite ont plus d'accidents que les autres. Boucs-émissaires parfaits qu'il convient de jeter en proie à la plèbe qui n'en demandait pas tant, la confortant dans l'opinion que le danger public, c'est l'autre.

Oui mais, sauf que...

Evolution du parc

Sauf que tout indique que le secteur du deux roues est en pleine explosion, avec des hausses de ventes qui ont doublé sur 10 ans selon les marques, et un parc qui a augmenté de 46% sur les 7 dernières années pendant que le parc automobile n'augmentait que de 8% (source : site de la sécurité routière).

Alors que le nombre d'automobiles a tendance à stagner depuis des années, alors que le kilomètrage annuel moyen en VL a tendance à stagner également, on assiste à une explosion du nombre de deux roues, cela s'expliquant à la fois par la répression, les embouteillages, le prix du carburant et dans une moindre mesure, le nombre de permis délivrés (-5.6% (6000) sur les 5 dernières années du nombre de permis moto, -13% (89000) pour les permis voiture). On le voit, le seul facteur de l'évolution du parc de deux roues relativise l'argument avancé par la sécurité routière à propos de la vitesse excessive des motards.

Responsabilités

Tant qu'on en est au balayage des idées reçues, assénons le coup de grâce : le chauffard n'est pas forcément celui que l'on croit, c'est à dire l'autre. Une étude de AXA assurance via sa filiale Club 14 qui assure 260 000 motards, a publié une étude relative au risque d'accidents à moto en 2003. Il en ressort que si la pratique de la moto reste plus dangereuse au kilomètre parcouru que la voiture, les motards ont 3 fois moins d'accidents que les automobilistes : Le risque d'avoir un accident est de 3.3% à moto contre 9.5% pour les automobilistes. Mieux (pire pour l'ego de l'automobiliste convaincu de la dangerosité des motards), dans 7 accidents sur 10 impliquant un motard et un automobiliste, c'est l'automobiliste qui est responsable.

Défaut de clignotants, pas de coup d'oeil dans le rétro, usage du portable au volant, lecture du journal dans les embouteillages ou maquillage, la liste de ces mises en danger quotidiennes est longue. "Oui mais je respectais les limitations", aura alors beau jeu de préciser l'automobiliste convaincu par la croisade monomaniaque entreprise depuis des années contre la vitesse.

Vitesse

Puisqu'on est ici pour parler de vitesse, allons-y. Alors qu'entre 2002 et 2005 la vitesse des motos baissait de 8 km/h sur autoroute, nationales à 2 et 3 voies et petites agglomérations, de 7 km/h sur 2x2 voies et de 13 km/h sur départementale, soit 9 km/h en moyenne, la vitesse des automobilistes n'a baissé que de 6 km/h sur la même période. Alors que la baisse de 6 km/h des automobilistes expliquerait pour 75% la baisse du nombre d'accidents mortels, la baisse de 9 km/h des motards n'aurait aucune influence sur leur accidentologie. Le nombre d'infractionnistes à la vitesse était de 56% contre 49% pour les automobilistes en 2004 (ce qui relativise encore une fois l'argument selon lequel les motards dépassent plus les limitations que les automobilistes). Or, qu'observe-t-on ? Malgré une baisse de la mortalité observée en 2003 et une certaine instabilité des statistiques sur la période 2000-2005 qui pourrait s'expliquer partiellement par les conditions climatiques, le nombre de motards tués est stable (-0.5%).

Là encore, le facteur vitesse ne semble absolument pas probant.

Comment donc expliquer ces résultats ?

Sans avoir la prétention d'expliquer des résultats aussi à un problème aussi complexes, nous pouvons dégager un certain nombre de facteurs :

L'absence de carrosserie, d'éléments de sécurité passive en dehors du casque qui, s'il reste indispensable, reste une protection faible explique pour une bonne part que si les motards ont proportionnellement moins d'accidents que les automobilistes, ils se révèlent plus graves en moyenne. Toutefois, on remarque qu'en Allemagne, où le port de protections est rendu obligatoire par le système d'assurances, le risque de se tuer à moto est deux fois moins élevé. Dans le même ordre d'idées, les motos n'ont pas connu l'évolution des organes sécurité tels que l'airbag ou l'ABS (installé sur de rares modèles jusqu'à ces dernières années). Ceci tend à faire penser que l'ensemble des protections, dont on sait qu'elles on fait un bon en avant sur les automobiles depuis le milieu des années 90, a un rôle non négligeable dans les risques d'accidents.

Autre facteur aggravant, les infrastructures sont prévues pour le type d'usagers le plus nombreux : l'automobiliste. Ainsi, les peintures sont-elles glissantes, les glissières prévues pour retenir les voitures, se révèlent-elles des pièges mortels pour les motards. On rencontre aussi de plus en plus de mobilier urbain qui ne tient visiblement pas compte des spécificités de certains usagers (plus du tiers des accidents mortels à moto ont lieu en milieu urbain).

De même, si la densité de circulation est un facteur de sécurité pour les automobiles, par le simple fait d'un différentiel peu élevé entre les véhicules qui limite les conséquences d'accidents, ce qui n'est absolument pas le cas pour les motards. C'est pourquoi le morard cherche généralement à s''extraire de la circulation et roule plus vite que la moyenne. Or, suite à la répression sur la vitesse, nous observons actuellement une nette baisse de la vitesse des motards.



Au final, si l'on tient compte de l'évolution de la mortalité des piétons (+8% en 2005), des cyclistes (stable), des cyclomotoristes (+3.8%), des motards (+1.3%), nous observons donc que la baisse de la mortalité bénéficie essentiellement aux usagers les plus protégés, au détriment des autres usagers. Comment, dans ce cas, incriminer encore une fois la vitesse, fustiger telle ou telle catégorie d'usagers ? Les automobilistes sont-ils donc devenus si raisonnables ? Ne sont-ils pas, dans leur ensemble, tour à tour piétons ou cyclistes, voire cyclomotoristes ou motards ? Pourquoi leur comportement changerait-il ?

Et quelle est la proportion d'automobilistes respectueux des limitations, qui les dépassent dès qu'ils deviennent piétons ?

2-3-2) Etude de cas

http://tf1.lci.fr/infos/france/0,,3305130,00.html

« Six personnes ont été tuées et trois autres gravement blessées, dimanche après-midi, dans un accident de la route impliquant une seule voiture, sur l'A40 dans le sens Macôn-Genève

28 mai 2006

Dans le véhicule, un monospace immatriculé en Suisse, se trouvaient neuf Portugais, âgés de 20 à 30 ans. Six ont été tués et trois autres gravement blessés, dimanche après-midi, dans un accident de la route, sur l'A40, à hauteur de Châtillon-en-Michaille, dans l'Ain. Seule impliquée dans le drame, la voiture s'est renversée et a fini sa course sur le toit, ont expliqué les pompiers.

Les circonstances du drame restent floues. Selon toute vraisemblance, le chauffeur s'est assoupi au volant, a indiqué la société Autoroute et Tunnel du Mont-Blanc. Le véhicule aurait heurté une glissière de sécurité puis un pilier de pont, avant de se retourner.

"Parmi les trois blessés graves, deux se trouvent dans un état particulièrement préoccupant", a précisé le CODIS (centre opérationnel départemental d'incendie et de secours). La circulation a été rétablie en début de soirée sur une seule voie dans le sens Mâcon-Genève. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances de l'accident. »

Dans cet accident, la vitesse ne semble pas en cause : elle n'a été mise en avant ni par la gendarmerie (ce qui est suffisamment rare pour le souligner) ni par les pompiers. La camionette, dont le centre de gravité est assez haut, circulait donc en dessous des limitations de vitesse et s'est simplement servi des barrières dites de sécurité comme d'un tremplin. Par manque de chance, l'accident s'est déroulé au niveau d'un pont, ce qui explique le bilan. Voilà qui relativise l'argument que nous avons vu plus haut, selon lequel les barrières de sécurité arrêtent tout véhicule circulant à moins de 130 km/h.

A noter qu'au niveau des ponts, de nombreux pays ont adopté des systèmes de protection particuliers qui se révèlent efficaces : bordures de béton assez hautes pour arrêter les véhicules les plus gros, par exemple. Gageons qu'en France, l'emplacement de cet accident se verra décoré d'une jolie cabine radar qui permettra de diminuer le nombre d'accidents sur une zone de 3 km.

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