Sécurité routière : bilan provisoire pour l'année 2008

Publié le par Winston Smith

Les chiffres de la sécurité routière viennent de paraître sur le site du gouvernement (ici et ). Mettons fin immédiatement au suspense : baisse de 7,5% du nombre de décès en 2008 par rapport à 2007, à 4274 morts.

Les raisons de cette baisse ont bien entendu été analysées par les spécialistes :

« L’évolution intra-annuelle analysée en données corrigées des variations saisonnières montre une nette amélioration en fin d’année à partir du mois de juin, ce qui permet d’être relativement optimiste sur les prochains mois de l’année 2009.

Les progrès de l’année 2008 sont principalement dus au ralentissement du trafic qui n’est pas encore chiffré à l’heure actuelle et à la forte baisse des vitesses (-1,1% de baisse de la vitesse moyenne). Par contre, il ne semble pas qu’il y ait eu la moindre amélioration des comportements en ce qui concerne l’alcool. »

François Fillon y va de son communiqué :

« Les automobilistes, sensibilisés aux principes de l'éco-conduite « rouler moins vite, c'est plus sûr, moins cher et moins de CO2 » ont adopté un comportement plus responsable sur les routes : le mois de décembre 2008 s’inscrit dans une tendance à l'amélioration des chiffres, constatée depuis le mois de juin 2008. »

L'analyse est succinte : il y a bien eu une baisse des accidents sur le second semestre parce que vous roulez moins vite (sauf en octobre parce que vous aviez changé de comportement [NDLa]), avec des causes plus ou moins connues : vous avez peut-être moins roulé mais ce n'est pas chiffré ; vous avez (bien entendu) roulé moins vite avec une forte baisse de 1,1% ; vous picolez toujours autant avant de prendre la route, ce qui relativise le bilan de sécurité routière qui aurait par conséquent dû être meilleur. Un phénomène nouveau : le rôle écologique de la sécurité routière.

Fouillons un peu dans les chiffres

Parmi les autres données, nous pouvons lire ceci :

« Le bilan s’est amélioré pour les piétons (- 13,6%), les usagers de véhicules de tourisme (- 4,9%), de motocyclettes (- 2,2%) et de cyclomoteurs (- 1%) mais s’est détérioré pour les bicyclettes (+ 3,8%) et les poids lourds (+9,9%). »

Les piétons et les éléments manquants

La première chose qui frappe, c'est l'évolution de la mortalité des piétons qui baisse de 13,6%, soit 77 en valeur absolue (de 561 en 2007 à 484 en 2008), par rapport à celle des autres usagers (le deuxième meilleur score concerne les véhicules de tourisme à -4,9%).

La deuxième chose qui frappe, c'est qu'il manque des éléments...

 

Catégorie 2007 2008
Piétons 561 484
véhicules de tourisme 2464 2343
motocyclettes 830 812
cyclomoteurs 325 322
bicyclettes 142 147
poids lourds 68 75
total 4390 4183

Il «manque» donc 91 pour 2008 (4274 - 4183). Si l'on reprend ces chiffres en ignorant les «manquants», la mortalité a baissé de 4,7% et non 7,5%. Quels sont donc ces mystérieux usagers qui entraînent une baisse si prononcées ?

«Autres usagers», kezako ?

 Les documents du bilan 2008 ne font pas mention d'une catégorie d'usagers usuellement appelés les « autres usagers » dans certains documents de la Sécurité Routière : ils représentaient 230 tués en 2007 et concernent les usagers de transports en commun, tracteurs agricoles, voiturettes ou engins spéciaux. Si mes calculs sont juste, ils ne représenteraient plus que 91 tués en 2008, soit 60% de baisse ou 139 en valeur absolue.

Une évolution par catégories d'usagers hétérogène


Il résulte de ces chiffres que :

- la baisse de la mortalité routière résulte pour 40% des « autres usagers », superbement ignorés de l'analyse officielle ;

- si l'on cumule les « autres usagers » aux piétons, ils représentent près des 2/3 de la baisse de mortalité. Autrement dit, si l'on excepte ces deux catégories, l'évolution globale de la mortalité des autres usagers de la route est de -3,4% (de 3829 en 2007 à 3697 en 2008)- ces deux catégories sont minoritaires sur les routes et représentent une faible part de la circulation (autocars + autobus représentant 0,5% du kilométrage parcouru en 1998, les autres engins n'ayant pas été comptabilisés) ;

- ces deux catégories sont faiblement impactées du fait de leurs capacités techniques ou leur bridage, par la « forte » diminution de la vitesse qui a principalement concerné les routes limitées à 90 km/h ou plus (baisse de 1,7% de la vitesse) ;
L'analyse
Reste à comprendre par quel cheminement intellectuel, les spécialistes de sécurité routière ont lié la baisse des vitesses pratiquées sur les routes ou le « ralentissement du trafic » qui n'impactent pas sensiblement les statistiques des automobilistes ou des motocyclistes, et la baisse du nombre de décès des piétons et des « autres usagers ».
De plus, si ralentissement du trafic il y a eu, le bilan des automobilistes est à lui seul préoccupant, puisque cela relativise d'autant plus un bilan en demi-teinte (-4,9%) malgré une forte baisse des vitesses. Or l'automobiliste reste l'usager prioritairement visé par la politique de sécurité routière, par le biais des contrôles de vitesse et du CSA : l'optimisme affiché du gouvernement quant à l'année 2009 me semble, dans ces conditions, quelque peu prématuré.

Publié dans Sécurité Routière

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article